Couleurs liturgiques

 

Les couleurs expriment quelque chose : toute culture a son code en la matière, toujours un peu secret, qu'il s'agit de déchiffrer. L’étymologie rattache d'ailleurs le terme color à la racine cel qui renvoie à l'idée de cacher. " Toutes les couleurs ne sont pas visibles directement (...) : on peut trouver un derme sous l'épiderme" (Michel Brière). En Occident, le second Moyen Âge a élaboré plusieurs théories sur les couleurs. Au XIIe siècle, une règle fixant leur emploi dans le culte a été édictée par les chanoines réguliers du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Mais le traité majeur, et qui constitue la base de l'usage actuel, fut l'œuvre du pape Innocent III au début du XIVe siècle. Il ne fait que reprendre le symbolisme véhiculé par ses devanciers. Notons cependant que le spectre varie souvent d'une région à l'autre, voire d'une cathédrale à une autre. Enfin, il ne faut pas isoler les vêtements de leur environnement célébratoire : murs et colonnes des églises, tentures, vitraux. Le spécialiste Michel Pastoureau parle de la "mise en couleurs" des églises qui se produit dans le second Moyen Âge. Bien des prélats sont alors "chromophiles" ! "La couleur articule l'espace et le temps, exprime les rythmes et les accents, distingue les acteurs, les lieux et les moments."

: Blanc : : C'est la couleur de Pâques et de Noël ; des fêtes du Seigneur (qui ne sont pas celles de sa Passion) et de la Vierge Marie, des saints qui ne sont pas martyrs, etc. Dans notre culture, le blanc est associé à la lumière et à la joie, à la pureté et à la perfection : voir supra à propos de l'aube blanche. Le noir est bien sûr son opposé. Et parce que toutes les couleurs réunies produisent le blanc, ce dernier évoque encore l'absolu, le début ou la fin. Mais, chez les Slaves et en Asie, c'est la couleur de la tristesse.

: Rouge: On l'emploie le dimanche de la Passion et le Vendredi saint, à la Pentecôte, aux fêtes de la Passion du Seigneur et des martyrs. Évoquant le feu et le sang, c'est une couleur ambivalente. Du côté négatif, nous trouvons la guerre, la force destructrice du feu, du sang répandu, de la haine. Du côté positif, la vie, l'amour, la chaleur, le désir, la fertilité. C'est une couleur "ostentatoire" : dans la Florence du XVe siècle, les citoyens en avaient fait leur emblème... Sans oublier la pourpre impériale dans la Rome antique ni celle des cardinaux !

: Vert: C'est la couleur liturgique du temps ordinaire. Les "dimanches verts" après la Pentecôte. Nous voici dans le règne végétal, en plein printemps renaissant. Couleur de la vie, de l'eau, de la fraîcheur. Comme elle évoque le renouveau saisonnier de la nature, elle symbolise l'espérance. Au Moyen Âge, on peignait la croix du Christ en vert, justement en signe du renouveau apporté par le Sauveur et de la réintégration de l'humanité dans le Paradis retrouvé.

: Violet : : II est attribué à l'avent et au carême, temps de préparation, d'attente, de pénitence (surtout pour le second). Il remplace avantageusement le noir aux offices des défunts, qui est la couleur de l'affliction privée d'espérance et même du mal. Par sa composition (bleu et rouge), le violet est un "rouge refroidi", selon l'expression de Kandinsky. Et, comme il se trouve en équilibre entre le bleu et le rouge, l'art chrétien s'en est servi pour évoquer l'union parfaite en Christ de l'humain et du divin.

: Jaune-or : : Le cérémonial du cardinal de Noailles (1703) prescrivait cette couleur à Notre-Dame de Paris pour certaines grandes fêtes. Elle nous rattache à la lumière et au soleil, à l'éternité et à l'illumination du Royaume. La peinture médiévale a abondamment utilisé l'or pour décrire la lumière céleste. Le plus noble des métaux ajoute encore les connotations d'éternité et de plénitude. 

 

: Blanc :

Fêtes de la Vierge, des vierges non martyres et des confesseurs

De Noël à l'octave de l'Epiphanie

Chandeleur

Jeudi-Saint

Pâques (de la messe du samedi-Saint jusqu'à l'octave de l'Ascension)

Ascension

Dédicace des églises

Fêtes de l'invention et de l'exaltation de la Croix : en certains lieux

Saint Jean évangéliste

Conversion de saint Paul

Chaire de saint Pierre

Nativité de saint Jean-Baptiste

Toussaint : Rome et en certains lieux

Christ Roi

: Rouge

Apôtres, Evangélistes, Martyrs (sauf saints Innocents)

Fêtes de la Croix : en certains lieux

Saints Innocents : en certains lieux et à Rome (pour le jour de l'octave)

Toussaint : certains lieux (sauf Rome)

Rameaux et vendredi Saint

De la vigile de la Pentecôte jusqu'au samedi dans l'octave inclus.

:  Noir  :

Saints Innocents : en certains lieux

Septuagésime au samedi-Saint : sauf à Rome

Dimanche Laetare : par le Pape.

Rogations : sauf à Rome

Jours de pénitence

Processions pénitentielles du Pape

Messes des défunts

:   Vert   :

Entre l'octave de l'Epiphanie et la Septuagésime ; 

entre la Pentecôte et l'Avent.

: Violet :

de l'Avent jusqu'à la messe de la vigile de la Nativité inclusivement : Rome

De la Septuagésime au mercredi-Saint : Rome

Vigile pascale (sauf bénédiction du cierge pascal et messe qui sont en blanc): Rome

Quatre-Temps de septembre et les vigiles des saints jeûnées,

Rogations : Rome

Saint Marc : Rome

Procession de la Chandeleur (2 février) : Rome

Procession des Rameaux : Rome (ailleurs en rouge) ;

Saints Innocents : Rome, sauf le jour octave qui est en rouge.

Guillaume Durand note que le violet peut être utilisé en remplacement du noir ; ce violet est « pâle et quasi livide ».